Relation polyamoureuse : un effet de mode ?

Ni échangistes ni libertins, ils revendiquent la possibilité d’être épris de plusieurs personnes, ouvertement et honnêtement. Après avoir expérimenté la monogamie, les séparations et parfois même l’infidélité, ils ont choisi d’être amoureux sans exclusivité, ni modération. Face au nombre important de divorces, la relation polyamoureuse serait-elle l’avenir du couple ou simplement un “effet de mode” ?

Celles qui Osent tente de mieux comprendre cette orientation amoureuse “hors du commun”. 

Relation polyamoureuse : mode d’emploi 

La monogamie ne convient pas à tout le monde 

 « Le mariage est la seule forme d’esclavage permise par la loi. »

John Stuart Mill, De l’assujettissement des femmes, 1869

Est-ce la fin du mariage traditionnel et de l’union indéfectible ? 

se former à la rédaction web

En France, on compte en moyenne 130 000 divorces par an. Plus de la moitié des couples se séparent. Beaucoup réitèrent désespérément la même histoire, avec une succession de rencontre-mariage-divorce… « La monogamie n’est pas le propre de l’homme. Une seule personne ne peut et ne doit être contrainte à combler tous les désirs et besoins de l’autre. » Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre, par exemple, formaient un couple ouvert avec une façon très moderne de fonctionner. Ils ont défini l’amour nécessaire, primordial, pour une seule personne et les amours contingentes ou secondaires.

Pour Françoise Simpère, auteure de plusieurs livres sur les amours plurielles, « le polyamour, c’est oublier le couple et inventer ses propres valeurs d’amour ». Le couple monogame a du mal à accepter cette nouvelle forme de relations interpersonnelles, car la société est fondée sur celui-ci. 

« En économie, le ménage traditionnel, qui consomme, est une valeur sûre. Or, le polyamour est une remise en cause de ce type de relation et de ses valeurs normatives. Il sape les bases mêmes de la société, déstabilise, fait peur. La société maintient la question dans la sphère privée pour ne pas modifier l’organisation affective sociale et l’éclatement du couple. Elle n’a pas intérêt à ce que le polyamour se généralise, qu’il prenne une place importante, ouverte et paisible. (…) La liberté d’avoir des relations avec qui on veut, sans se cacher, parce qu’on se sent bien, gratuitement, pose problème. » 

Définition du polyamour 

 « Le polyamour est le fait de ressentir des sentiments amoureux pour plusieurs personnes, sans pour autant donner plus d’affection à une personne qu’à une autre. Mais plutôt de les aimer différemment. »

La définition du terme fait débat au sein même de la communauté : un cercle de plusieurs personnes qui ne coucheraient qu’entre elles et seraient fidèles relève-t-il du polyamour ? Pour certains oui, pour d’autres non ! Le polyamour (du grec poly, signifiant ‘nombreux’, et du latin amor ‘amour’) ou pluriamour est une orientation et une éthique des relations amoureuses où les partenaires entretiennent des liens avec plus d’une personne, tous consentants. 

Être polyamoureux, c’est donc avoir de multiples relations en même temps. Le site de rencontres amours.eu définit le polyamour comme « la création entre plusieurs personnes, de liens et relations durables, plurielles, amicales, affectives, amoureuses et/ou sexuelles. » Selon le site polyamour.info, « le libertinage ou l’échangisme impliquent plusieurs partenaires sexuels sans forcément de relations amoureuses. Le polyamour se concentre sur les relations amoureuses (dont le sexe peut faire partie) avant les relations sexuelles. » Le polyamour est donc une question d’amour pluriel assumé, respectueuse de chaque partenaire. 

 « Avec le polyamour, on aime plusieurs personnes de manière différenciée, sans qu’une seule vienne combler la conjugalité, l’érotisme, et la parentalité. »

Le pluriamour théorise des questions intéressantes sur l’amour. Il questionne le couple, mais aussi les besoins individuels affectifs. Basé sur la communication, la tolérance et le respect du désir de l’autre, ce mode de fonctionnement interroge nos aspirations individuelles profondes permettant ainsi de mieux nous connaître. Il peut aussi « répondre, pour des personnes au narcissisme fragile, à un besoin de réassurance ». Plaire à plus grande échelle, pouvoir séduire plus souvent, librement, pour d’une certaine façon, se sentir plus vivant…

Suis-je polyamoureux ? 

Pour le savoir, mieux vaut prendre conscience des règles induites par ce type de relation et connaître ses envies profondes. Afin d’être épanoui et de bien le vivre, il est conseillé d’opter pour la franchise, le consentement et la transparence, car tous les partenaires doivent être au courant de l’existence des autres. Avoir confiance en soi et ne pas être jaloux semble essentiel. 

Le polyamour ne fait pas bon ménage avec la jalousie, fondée sur l’exclusivité du sentiment amoureux. 

« Dans le polyamour, il faut accepter que l’autre aime une autre personne sans que ça n’enlève rien à soi. Il est nécessaire d’être altruiste et d’opter pour l’amour spinoziste : se réjouir du bonheur de son conjoint, même si l’on n’est pas responsable. »

Seriez-vous capable de dépasser la jalousie et de faire preuve de « compersion » ? 

Comment devenir polyamoureux ?

Le guide pratique pour être serein

Pour vivre des relations libres sereinement, vous pouvez vous inspirer du guide pratique américain La salope éthique par Dossie Easton et Janet W. Hardy. « Très rapidement, ce livre est devenu la bible de celles et ceux à qui la perspective de monogamie-jusqu’à ce que-la-mort-nous-sépare semble un peu terne. » Désapprentissage de la jalousie, disputes équitables, conflits constructifs, ruptures sereines : des pistes intéressantes à lire et explorer… 

 « Je mérite que mon partenaire revienne vers moi, 

notre relation est unique 

et je ne suis pas interchangeable. » 

Les sites de rencontres pour polyamoureux

L’application américaine OkCupid est l’une des premières à avoir ciblé les polyamoureux, en leur permettant de s’identifier comme tels, et en filtrant ceux qui ne l’étaient pas. Ouvert, progressiste et inclusif, ce site permet ‘aux utilisateurs d’être considérés comme des personnes et pas seulement comme des images plus ou moins photogéniques.’

Il existe aussi d’autres sites de rencontres spécialisés comme BeTolerant ou Pitanga

Témoignage d’une polyamoureuse 

Pour Nina, le polyamour est le résultat d’un long cheminement personnel. “Je ne conçois pas l’exclusivité avec une personne : cela va à l’encontre de mon idéal de liberté.” Son modèle de couple idéal ? “Un couple où l’on a su déconstruire les schémas traditionnels pour choisir consciemment sa propre voie, de manière éclairée, et non par défaut, parce que tout le monde fait comme ça.” 

À 20 ans, la jeune femme a trompé son copain. “ Cet écart n’a pas impacté ma relation… mais le mensonge, si, énormément ! J’étais totalement incapable de résister à la tentation et à la curiosité.

Très tôt, dès la préadolescence, elle sait qu’elle ne se retrouve pas dans le couple monogame. “ Je rêvais de ne pas m’attacher à un seul partenaire. J’imaginais former un couple ouvert, où chacun aurait la liberté d’aller voir ailleurs, au gré de ses aventures. Par ailleurs, je n’ai pratiquement jamais été jalouse. C’est un sentiment qui m’est assez étranger. Cependant, très influencée par la norme, je pensais que tout cela était un fantasme impossible… J’ai mis du temps à déconstruire cette idée.”

Nina estime ne pas avoir “trop d’amour” à donner. “Au contraire, j’ai besoin de beaucoup d’espace et je vis seule.” Affronter les potentiels critiques ou les jugements ne l’effraie pas. “ Cela fait plus de dix ans que je l’assume désormais, et tant pis si cela dérange. J’adore cette citation : impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. À te regarder, ils s’habitueront…”

Si vous avez besoin d’écouter les expériences de la vie affective et des relations plurielles, Lauren Mary, créatrice du podcast Amours Plurielles, vous propose d’écouter des témoignages sur les non-monogamies.

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Vivre avec un polyamoureux : la panacée ?

Une relation polyamoureuse ne peut convenir à tous ; elle ne pourrait s’ériger en solution miracle à tous les problèmes de couple. Si elle est subie, la polyamorie peut générer de grandes souffrances affectives ou l’impression destructrice que l’autre joue avec ses sentiments. 

Dans le film Vicky Cristina Barcelona, Woody Allen met en scène deux excellentes amies, avec des visions opposées de l’amour, qui s’éprennent du même homme, Juan Antonio. L’une souffrira plus que l’autre de cette relation libre…

Dans notre culture judéo-chrétienne, l’infidélité est un acte de transgression, et l’adultère est vécu comme une trahison. Pourtant, ‘la fidélité fait bel et bien partie intégrante des relations multiples, car elle signifie avant tout le respect des engagements pris’. Le polyamour sert parfois d’alternative à l’adultère subi : la personne trompée adopte le couple libre pour ne pas ‘perdre’ l’être aimé, par défaut et non forcément par choix. Certains l’avouent : ‘même quand on dit les choses, tout reste compliqué. Les problèmes restent les mêmes, entre attachement et lien, jalousie et libéralité, etc.

 

En diffractant leur couple, les polyamoureux évitent une symbiose vécue comme dangereuse, mais limitent aussi tout ce qui fait la relation conjugale : sa densité, son degré d’invasion ou de dépendance affective. Les relations polyamoureuses ne peuvent être une solution universelle, mais il semble important de connaître son existence pour gagner en ouverture d’esprit et en possibilité de choix. Plus qu’un effet de mode, c’est surtout une nouvelle forme de relations interpersonnelles, encore marginale, qui offre la liberté de repenser ses propres valeurs amoureuses. 

Violaine B — Celles qui Osent 

En attendant notre prochain article, n'oubliez pas de suivre notre podcast sur ces Femmes qui Osent

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